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Alors que je me prépare pour un rassemblement de protestation contre les politiques d’immigration du gouvernement des États-Unis et la séparation des enfants et de leur famille, à Madison, Winsconsin, le 30 juin 2018, je pense aux privilèges. Le privilège de se déplacer d’un pays à un autre, et, dans mon cas, de choisir le passeport le plus pratique pour moi. Est-ce que je veux être considérée comme une citoyenne des États-Unis ? Prenons le passeport américain. Est-ce que je peux éviter les frais de visa avec mon passeport Hollandais ? Le voici. Il n’y a pas de visa que je ne puisse demander, il n’y a pas de pays duquel je puisse être bannie ou expulsée. Je n’ai pas à penser aux dangers qu’il faut fuir, ou aux barrières qu’il faut ouvrir. Et, si nécessaire, ma famille vient avec moi. Ce n’est pas un problème auquel je ne fais ne serait-ce que penser. Je suis privilégiée.

Mais là, nous sommes en 2018, et, tout autour du monde des gens fuient leurs pays, leurs maisons, leurs cultures non parce qu’ils veulent partir, non parce qu’ils veulent prendre “nos” emplois, maisons, vies, non parce qu’ils veulent “abuser du système”, être clandestins, devenir riches (avez-vous déjà vu une famille d’immigrants que vous connaissez devenir super-riche ?). Ils partent parce qu’ils veulent avoir une vie décente pour eux-mêmes et leur famille, à l’abri du danger, avec un travail décent, des droits à la santé si c’est possible, un toit sur la tête, et de quoi manger.

Quand j’entends une mère, lors d’un rassemblement, nous dire d’une voix brisée que son mari a été jeté en prison il y a deux semaines, parce qu’il est venu enfant, à l’âge de 13 ans, mais qu’on lui a refusé le séjour, et qu’il risque la déportation plus de 20 ans plus tard, j’ai honte. Je ne peux pas croire que ce soit possible ou raisonnable, en aucun sens, sous aucune forme. Alors, que puis-je faire ?

Nous n’avons pas beaucoup de pouvoir, mais ensemble nous sommes forts. Nous devons faire entendre notre voix. Et nous devons nous servir de ce que nous savons faire de mieux.

En tant que membres de l’ASSITEJ, notre domaine, c’est l’art. Nous faisons du théâtre pour les enfants et les jeunes, y compris pour ceux qui ne sont rien : les plus négligés, les plus insignifiants, les moins puissants, ceux que l’on a séparé de ceux en qui ils ont confiance et qu’ils aiment. Comment pouvons-nous être sûrs que notre art les atteint, et qu’il leur procure quelque chose qui touche leurs émotions, qui leur donne une expérience esthétique, qui, même pour un moment, les distrait de la peine dont ils soufrent ?

Je n’ai pas trouvé la solution pour faire cela. Mais j’espère la trouver et vous inviter, vous tous autour du monde, à me rejoindre dans cette recherche.

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