Le mouvement Never Again (#neveragain), et les gigantesques cortèges qu'il a su organiser, le 24 mars, aux USA, à la suite du massacre du lycée Marjory Stoneman Douglas de Parkland, en Floride, témoignent d'impressionnante façon d'une capacité d'engagement de la jeunesse qu'on a toujours tendance à oublier.
800 manifestations se sont déroulées ce jour-là. Organisées en quelques jours, et menées par des jeunes, parmi lesquels des survivants de la fusillade de Parkland, elles en disent long sur leur capacité à comprendre le monde et à en formuler une lecture politique : contre l'opinion majoritaire dans le pays, des enfants, des adolescents et des parents sont descendus dans la rue par millions, pour exiger de leurs élus des mesures sans ambiguïté contre les armes à feu. Ceux en qui on voudrait, trop souvent, voir une génération d'inoffensifs consommateurs de réseaux sociaux, ont, au contraire, mis à profit toute la puissance de leur savoir faire en ce domaine. Et, en leur propre nom, ils ont, sans doute, commencé à réussir là où les adultes, jusqu'à présent, avaient échoué : mettre fin à l'épidémie de violence par armes à feu, qui, dans les écoles et les rues américaines, tue 1300 jeunes par an.
Il n'est pas anodin que, comme le relève, à la suite d'un article du Newyorker, Jonathan Chapman, directeur exécutif de TYA/USA, centre national américain de l'ASSITEJ, beaucoup des jeunes leaders de ce mouvement fréquentent et pratiquent le théâtre dans le cadre de leurs études. Emma Gonzalez, la lycéenne de 18 ans, qui, lors de la marche de Washington a bouleversé le monde par son silence de plus de 6 minutes, venait elle-même de quitter son cours de théâtre lorsque la fusillade s'est produite.
Comme le souligne Chapman, le théâtre n'apprend pas seulement aux enfants à mieux s'exprimer en public : "Il encourage les jeunes à trouver leurs mots avec passion, à poser des questions. Il offre une puissante possibilité de représentation et de reconnaissance de l'expérience d'une personne, validée, et expérimentée sur la scène". Avec André Degaine, historien du théâtre Français, et auteur d'une étonnante "Histoire dessinée du théâtre racontée aux jeunes", on ajoutera que "des grecs à nos jours, le grand théâtre a toujours été civique". Dans la cité, depuis toujours, de façon constamment renouvelée à travers les siècles et les cultures, il s'interroge sur les aspects les moins compréhensibles, et souvent les plus sombres, de l'expérience humaine, et porte ce questionnement en place publique. 2500 ans avant #neveragain, Eschyle, dans l'Orestie, traitait du meurtre, de la vengeance, du pardon, et de la légitimité de l'usage de la violence !
L'art n'a pas de baguette magique, me direz-vous. Et la violence faite aux plus faibles, au premier rang desquels sont les enfants, ravage le monde, et laisse en nous un immense sentiment d'impuissance. Mais il y a partout des artistes, des éducateurs, des parents, qui s'engagent, presque toujours par conviction personnelle, et font du théâtre avec ou pour les jeunes, leurs disent des contes, leurs fabriquent des marionnettes. L'ASSITEJ est là pour rappeler à ceux qui veulent que les choses changent que les soutenir est un début de solution.