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« Dans mon enfance, j’ai grandi en imitant mes parents tout le temps. Comment marcher, comment manger, comment parler, j’ai appris tout cela en imitant mes parents. Puis, à partir du moment où j’ai eu l’âge de comprendre les choses, emmené par mes parents, j’ai appris à aller au théâtre. Le théâtre était pour moi, le pays magique.

La première chose que vous voyez en entrant dans la salle était un rideau abaissé. Je me souviens que j’attendais que le rideau se lève avec une énorme impatience, en me demandant ce qu’il y avait derrière. Lorsque le rideau s’ouvrait enfin, se dévoilait un monde de rêve créé par un décor, des éclairages et des costumes. Parfois, c’était quelque chose qui ressemblait au monde réel, et à d’autres moments, c’était un paysage impossible dans le monde réel. Il y avait des artistes sous différents déguisements qui pleuraient, riaient, chantaient et dansaient. Et pendant l’entracte, nous entendions des bruits de chocs et des claquements. Si c’était un petit théâtre, et que j’étais assis au premier rang, je pouvais tirer le rideau pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. Étonnamment, une scène était changée en un instant par un grand décor qui était retourné et tiré en arrière. Ensuite, à la maison, j’imitais l’acteur. Mon personnage préféré était un samouraï. Je me dessinais des sourcils virils, je fabriquais une perruque et je combattais avec mes amis en utilisant des épées de bambou. En 7ème, j’ai commencé à faire des maquettes de décor de théâtre ; une scène tournante, un décor de théâtre avec des lumières faites d’ampoules miniatures…. Et bien sûr, j’ai essayé de faire des changements de décor avec.

Après ces expériences, j’ai fini par entrer dans une compagnie de théâtre professionnelle. Mais à cette époque, il n’y avait pas d’école de théâtre contemporain. Je suis allé voir un maître de théâtre et j’ai appris des techniques théâtrales transmises de manière traditionnelle. Apprendre le théâtre conventionnel signifie imiter tout ce que fait le maître et s’efforcer d’être exactement comme lui. Puis, un jour, j’ai eu la chance inattendue de travailler sous la direction de Peter Brook. La première leçon fut une improvisation, quelque chose que je n’avais jamais expérimenté. Même si on m’avait dit de faire de l’improvisation, je ne savais pas quoi faire, alors j’ai commencé à faire des mouvements en combinant toutes les expressions conventionnelles que j’avais apprises au Japon. Mais un jour, Brook m’a glissé un mot disant : “N’imite pas le théâtre conventionnel japonais”. Frappé par cette remarque, j’ai eu l’impression d’avoir été jeté seul dans le grand océan. Je n’avais rien sur quoi compter et j’étais comme un navire naufragé qui dérive simplement ici et là. Mais c’est à ce moment que j’ai commencé à penser à créer pour la première fois.

J’ai réalisé que mon travail ne consistait pas simplement à reproduire ce qui existait dans le passé comme le fait le théâtre conventionnel, mais à créer mes propres expressions. Et créer, ce n’est pas créer quelque chose à partir de rien comme le fait Dieu, mais imiter ce qui a déjà existé et aller au-delà. Van Gogh a été influencé par Ukiyoe, Picasso a créé ses propres peintures inspirées des arts africains, et Miro s’est inspiré des caractères chinois ; tout a été développé à partir de ce qui a déjà existé.

Le chemin que j’ai pris est probablement le même. Ma vie a consisté à imiter ce que j’ai vu et entendu au théâtre, puis à faire des efforts pour aller au-delà. Et cette expérience m’a amené à trouver une façon de vivre, en passant par le théâtre et au-delà. »

Yoshi Oida

Acteur, réalisateur et scénariste. Né dans la préfecture de Hyogo en 1933. Il réside actuellement à Paris, en France. Il a commencé sa carrière comme acteur à Bungakuza et à la compagnie de théâtre Shiki. Depuis 1970, il a travaillé avec Peter Brook au CIRT (Centre international de recherche théâtrale). Il a joué dans Le Mahabarhata, La Tempête et L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau, mis en scène par Peter Brook, Shunkin, mis en scène par Simon McBurney et bien d’autres. Il a également mis en scène un certain nombre de pièces et d’opéras. Le livre “Un acteur à la dérive” qu’il a écrit et publié en 1989 a été traduit en 17 langues et considéré comme la “bible des acteurs” dans le monde entier. Il a reçu les distinctions suivantes du gouvernement français : Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, France (1992), Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres, France (2007), et Commandeur de l’Ordre des Arts et Lettres, France (2013).

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